jeudi 17 septembre 2009

I'm Bach!

(Certes, elle était facile...) De retour donc au clavier après quelques mois bien occupés dans ma vie contingente (une visite entre deux portes à Leipzig, suivie d'un mois et demi d'enseignement dans une colo musicale, puis la course pour livrer un choral à temps à la Société des Amis de Carl Orff - comment, c'est bizarre?), le début de l'automne me voit un peu ramollo. Mais ce n'est pas le moment de faiblir, je viens seulement de me rabibocher avec ma banquière, qui s'avère même nettement moins intransigeante que Barbara sur les questions financières (il paraît qu'un reliquat d'ardoise en souffrance chez Frau Henrietta, ma coiffeuse-manucure, est parvenu à ma femme la semaine dernière, ce qui pourrait expliquer pourquoi elle continue de me faire la gueule).

Cette rentrée est ainsi placée sous le signe du réalisme, selon la définition communément admise par les autres; j'ai accepté de donner un cours de composition au conservatoire de l'arrondissement d'à-côté, celui où il n'y a que des guitaristes électriques. C'est une concession qui va me faciliter la vie à certains points de vue - surtout financier, reconnaissons-le - et permettre à Carl-Philip-Emmanuel d'assister à son heure de sport correctement chaussé (encore qu'à mon sens cet investissement soit totalement inutile: c'est un vrai musicien, il tient plus de moi que de Beckenbauer). Mais surtout, je sens que je vais me marrer.

Première séance demain: je vous raconterai!

dimanche 17 mai 2009

dimanche 3 mai 2009

Ach !!!

Je viens de jeter un coup d'oeil sur mon compte en banque et une soudaine envie me prend de détriper le canapé à coups de pied... Savoir que l'on est un compositeur injustement méconnu et qu'on sera davantage apprécié mort que vivant ne suffit pas toujours à apporter le réconfort au quotidien... Ceux qui estiment qu'un véritable artiste doit composer dans la douleur et la misère oublient que trop souvent il possède une famille qui ne se nourrit pas que d'eau fraîche. La mienne par exemple affectionne Saucisse Express (le pendant germanique du MacDo'). Barbara n'ayant jamais été intéressée par la cuisine, c'est une alternative essentielle à la survie de mes enfants depuis que j'ai été foutu à la porte. Je ne jette pas la pierre à ma femme, elle a toujours assumé, en plus de son travail à plein temps à la gesetzliche Krankenversicherung (l'équivalent de votre Sécurité Sociale), l'entière éducation de nos quatre enfants (à part les cours de musique et de composition, dont la charge me revient) et la totalité des tâches ménagères (sans parler de la machine à laver qui a lâché le mois dernier, trois jours avant mon départ - je soupçonne d'ailleurs une corrélation étroite entre les deux événements...).

Si nous n'avions pas eu autant de problèmes financiers, Barbara, les enfants et moi serions sans doute toujours ensemble... en attendant, avec ce qu'elle me réclame, je ne suis pas en mesure de revenir dans le positif à la banque avant 150 ans. Que peut-elle bien faire de tout l'argent que je lui donne? Il paraît que Carl-Philippe-Emmanuel a pris deux pointures en trois mois et qu'il a urgemment besoin d'une paire de baskets sous peine d'aller pieds nus au collège. Sans parler de Dorothea, qui doit changer de lunettes parce que même assise au premier rang de la classe, elle ne peut plus lire ce qui est écrit au tableau. La pauvre, il faut lui donner toutes ses chances de réussir à l'école, parce que dans la musique ce n'est pas gagné. Quant au crédit du nouveau lave-linge... Est-ce qu'en me quittant Barbara pensait vraiment résoudre ses problèmes d'intendance ménagère? Je ne suis pourtant pas celui qui salit le plus à la maison. Parfois je me dis qu'au lieu d'avoir envoyé mes enfants au conservatoire, j'aurais mieux fait de les adresser au voisin du premier qui vient de faire un an de prison pour attaque à main armée sur les vieilles dames.

Bref, l'heure est critique, et en tant que soutien de famille, je me dois de remédier à la situation. Il va donc falloir que je me trouve un travail régulièrement rémunéré, un "vrai" boulot, comme ne cessait de le répéter ma chère et tendre à chaque fois qu'elle recevait la facture de gaz (et qu'est-ce qu'elle aurait dit si elle avait vu celles du luthier, que j'interceptais prestement dans les escaliers avant de passer la porte?). Je me demande à quoi je vais bien pouvoir employer mon talent - des suggestions? (en fait je vais demander à Wilhelm.)


dimanche 19 avril 2009

mercredi 8 avril 2009

message à caractère parental

Ce blog est interdit aux enfants allemands de moins de 18 ans.

mardi 7 avril 2009

père indigne...

il paraît que mes enfants lisent mon blog...

mercredi 1 avril 2009

hier, c'était mon anniversaire



Comme d'habitude, je n'ai jamais le temps de me lancer dans de grandes considérations sur mon âge, étant donné qu'à cette période j'ai en général du boulot par-dessus la tête. Il faut dire, toute modestie à part, que je suis LE compositeur de Pâques. Avec tous les mécréants qui font ce métier, il ne reste plus beaucoup de musiciens vraiment habités par un sentiment religieux. Ou alors ils sont mauvais; une bonne messe, c'est comme la Rindswurtz, il faut que ça sorte direct des tripes: trop spirituel et on perd le fidèle.

Bref, il se trouve donc que les commandes affluent toujours à ce moment-là et qu'il m'arrive même d'en refuser (bon, ce n'était pas le cas cette année mais de toute façons il fallait que je rattrape le retard causé par ma séparation). Hier donc, j'avais enfin bouclé mon Benedictus pour Cologne, si bien que j'ai décidé de m'accorder une pause et de lancer Britney sur les enceintes de Wilhelm avant d'attaquer le final de l'Agnus pour Köthen. J'étais en train de faire des petites vagues avec les mains sur Womanizer quand on a sonné.



C'était la factrice avec un paquet. A l'intérieur, un disque et un petit mot collé dessus:
"Joyeux anniversaire mon vieux! Pour la peine, je t'envoie mon dernier opus. Au plaisir de t'entendre." Eliano

Toujours de l'humour, Eliano di Barcarolli, mon collègue-concurrent préféré. Nous nous marquons à la culotte depuis nos études à la Thomasschule. A chaque fois qu'il sort un CD, il me l'envoie, et je lui retourne la politesse. Pour l'instant, nous en sommes à 13-6, en sa faveur... Je ne sais pas comment il fait pour produire autant, des musiques de film, des messes en douze parties. Il ne boit jamais ou quoi? Du coup, je me suis remis aussi sec à l'Agnus Dei.

Les enfants m'ont appelé plus tard. Je les ai invités à Paris pour l'été. Barbara n'avait pas le temps de me parler. Franchement, elle exagère; nous ne nous sommes pas quittés en d'aussi mauvais termes qu'elle refuse toute communication.

De toute façon, je m'en fiche: avant d'aller arroser mon année supplémentaire, je me suis regardé le clip de Baby one more time sur le moyen écran de Wilhelm. Les lycéennes en kilt, c'est quand même mieux que les thuringeoises qui font la tronche.





"it's Britney, bitch!"

mardi 24 mars 2009

le matin, j'écoute France Musique,



surtout les informations de midi. A ce moment-là, je suis devant une tasse de café, à essayer de me rappeler où Wilhelm range son aspirine. Depuis que j'habite chez lui, Wilhelm me sort tous les soirs pour aller écouter des copains. C'est la vie sans souci, on fait des boeufs en buvant des bocks. Sauf ce soir, je reste à l'appart', je cavale après ma messe, j'ai du boulot.

Mes yeux errent au-dessus de la cafetière et je pense: Barbara, Barbara, Barbara... Ce mal de tête est diabolique. Malgré mes incantations, ma femme a du mal à se frayer un chemin dans mon crâne. Je la cherche surtout la nuit, quand je suis couché, mais même là c'est assez supportable parce que je suis bourré. Ce qui est plus difficile, ce sont les enfants, ils me manquent énormément...

Je m'étrangle à moitié avec ma tartine au pâté de foie en entendant le début du largo de mon 4e concerto pour piano au milieu de la partition d'un certain Hernan Lopaz, Argentin de son état. Salaud! Il m'a tranquillement pillé sur une douzaine de mesures! EN PLUS, les arrangements sont d'une nullité accablante. Cochon! Schweinehund! Je coupe le poste. De toute façon, il est temps de m'y mettre, cette messe aurait dû être finie il y a 10 jours, le choeur l'attend à Cologne. Ils ont répété jusqu'au Sanctus mais là ils ont besoin d'avoir le Benedictus en bouche, comme l'a expliqué avec beaucoup de déférence Herr Hausschafer le chef de choeur. Gentil type, mais le travail bien fait, ça prend du temps, et en ce moment j'ai des problèmes de concentration. Et puis je les connais, ils supplient mais dès qu'ils ont ce qu'ils veulent, tu peux toujours t'accrocher après pour récupérer même une cassette.

Finalement, j'ai suivi Wilhelm tout à l'heure. Nous sommes allés écouter des collègues à lui qui ont monté un trio de blues. La salle du bar était remplie. Des amies à eux nous ont rejoints, puis on a encore bu des coups. Je suis rentré assez tard, il commençait même à faire jour. Du coup j'ai balancé directement deux aspirines dans le café puis je me suis remis à ma messe. J'ai trouvé un thème magnifique, qu'une soprane habile pourrait rendre tout à fait sublime, mais j'ai dû aller vomir tout de suite après. La faute à ce que je me suis enfilé dans le gosier: va falloir changer de marque de café.




jeudi 19 mars 2009

dimanche 15 mars 2009

rions un peu...



** Un jeune homme de 25 ans décide d'apprendre à jouer d'un instrument de musique. Compte-tenu de son âge, on lui conseille de choisir un instrument simple: l'alto. Au Conservatoire, son professeur le fait donc travailler pendant un mois la corde de do à vide, à raison de deux leçons hebdomadaires. Puis il lui enseigne la corde de sol à vide durant un nouveau mois. Au terme de cette période, l'élève ne se présente plus aux leçons. Inquiet, le professeur prend de ses nouvelles:

- Ca fait trois semaines que je ne vous ai pas vu au cours: que vous arrive-t-il?
- Ouh la la! Je n'ai plus le temps pour ça: je n'arrête pas de cachetonner!


** Pourquoi en Allemagne appelle-t-on l'alto "Bratsche" ?
- C'est le bruit que ça fait quand on s'assied dessus.


** Un violoniste remarque qu'à chaque reprise de répétition, un altiste regarde systématiquement dans la poche de sa veste avant de prendre son instrument. Ce comportement qui dure depuis des années l'intrigue fort. Un jour de forte canicule, l'altiste sort de la répétition en laissant sa veste sur sa chaise. Le violoniste attend patiemment que tout le monde soit sorti de la salle puis se précipite vers le vêtement. Il en extrait un morceau de papier sur lequel est écrit: "l'alto dans la main gauche, l'archet dans la droite".


** Quelle est la différence entre une machine à laver et un altiste?
- La qualité du vibrato.



Ho Ho Ho!


vendredi 6 mars 2009

ce matin, rendez-vous avec Valandier.



Cordial mais un fond méfiant. La composition de l'orchestre le gêne. Il essaye encore de me faire changer d'avis sur la scie musicale. Ca lui rappelle Belphégor... Humpff... Ce qui est fatigant dans ce métier, c'est de se faire respecter. On a vite fait de vous prendre pour un clown.

Nous nous quittons vers 10 heures. Je marche jusqu'au Luxembourg; Paris est asphyxiant, on manque d'air, et puis trop de monde, je me cogne partout. Soudain les notes coulent dans ma tête. La jonction entre les deux thèmes secondaires, que je cherche depuis des jours, s'impose, neuve, fraîche, idéale. Je continue de marcher tout en la développant, puis m'assieds pour la noter. Finalement mon exil parisien me fait du bien.

Les oiseaux piaillent dans les arbres au-dessus de ma tête, j'écris sur leur accompagnement sonore. Une voix de vieux cornet rayé tonne soudain à 50 cm de mon oreille. Un type s'est mis dans la chaise à côté de la mienne et vient de décrocher son téléphone, sans gêne:
"Je ne crois pas que cette opportunité soit si bonne, la production a baissé au dernier trimestre. Je préconise d'attendre. On va décaler l'entrevue préliminaire à la semaine prochaine."
Je me penche: "Monsieur, pourriez-vous parler moins fort?"
Il hausse les épaules et reprend: "Vous avez le rapport devant vous?"
Je suis plutôt baraqué, lui rabattre son caquet ne prendrait que quelques secondes. A la place, je respire. Puis je me lève et vais m'installer un peu plus loin.

Il ne m'a pas fallu longtemps pour que les oiseaux me vengent. A peine cinq minutes; au moment où je lève la tête, un étourneau en profite pour larguer sa fiente grosse comme un oeuf sur le crâne nu du malpoli.

Comme dit: "à trou du cul, trou du cul et demi".



lundi 2 mars 2009

jet-lag



De retour à Paris, arrivé ce matin de Leipzig, où j'ai l'impression d'avoir tout laissé.

Je reviens à poil, un peu secoué, rien sur le dos, rien dans les mains, la tête vide, libre... Barbara a préféré rester là-bas avec les enfants, elle m'a "rendu à moi-même", selon ses propres termes. Soit... j'aurais aimé qu'elle me rende également une partie de notre compte commun. Mon atterrissage parisien me voit sans le sou (mais officiellement plein d'espoir).

"Jean-Sébastien, tu es trop gentil", m'a déclaré Wilhem; enfin, ce ne sont pas exactement les termes qu'il a employés. Wilhem, mon ami, mon roc dans la tempête, le compagnon de toujours, dont le soutien est aussi indéfectible que son appartement est noir! Je me demande quelle sorte de tanière j'aurais eu si je n'avais pas été marié tant d'années à une femme qui a une éponge greffée au bout du bras. Mais dans ce repaire de vieux bouc, par-delà les effluves de linge mal séché, je retrouve un doux parfum d'insouciance...

La nuit est en train de tomber, c'est l'heure du schnaps. Wilhem rentre seulement dans une heure. Dans son évier, il n'y a que des gros verres, si bien que je me sers tout de suite une ration de facteur. Puis je m'accoude à son balcon ridicule. A Leipzig, les balcons sont monumentaux, en pierre blanche, et les pigeons ne s'y risquent pas. 

Schweinerei! Je fais un geste pour éloigner le bestiau et mon verre valse dans l'air, avant de retomber bien vite... je me penche légèrement... sur une poussette. A peine le temps de me rencogner à l'intérieur que la mère se met à hurler. Aurais-je fini cette première journée en tuant un enfant? Pendant un long moment, je reste comme une andouille à tourner nerveusement dans le salon avant de me resservir une ration. Puis les cris s'apaisent et disparaissent, tout revient à la normale et la nuit est définitivement tombée. Plus tard, nous sortirons avec Wilhem, en attendant, je trinque avec la vitre:

Willkommen in Paris!